Etude & tiers-lieux
LES TIERS-LIEUX : DES ESPACES DE COHABITATION
La cohabitation : caractéristique intrinsèque aux tiers-lieux Les tiers-lieux sont, pour la majorité d’entre eux, des espaces où divers publics cohabitent. Par nature, ce sont des espaces de rencontres ouverts, accessibles et conviviaux. La multiplicité des activités qui y sont proposées au favorise également la venue de publics divers.
De plus, certains tiers-lieux accordent une importance particulière à l’image qu’ils renvoient au public. C’est notamment le cas des Rebelles Ordinaires, une librairie indépendante en centre-ville de La Rochelle. Les gérants ont choisi de ne placer aucun livre en vitrine mais seulement un canapé. De ce fait, les personnes n’étant pas lectrices ne se sentent pas exclues. Il est possible de se rendre aux Rebelles Ordinaires pour s’asseoir sur les canapés et passer un moment convivial. Ces tiers-lieux permettent la cohabitation de publics différents. Pour les structures qui ne sont pas des tiers-lieux mais qui souhaitent le devenir, la cohabitation n’est pas forcément une caractéristique présente à l’origine. Prenons l’exemple du conservatoire de musique et de danse de La Rochelle. C’est un lieu de formation et de transmission à rayonnement départemental.
Par sa nature, il accueille un public de catégories sociales relativement similaire. Le conservatoire souhaite cependant diversifier ces activités ce qui lui permettrait d’attirer de nouveaux publics. On peut également citer l’exemple de l’Abbaye aux Dames à Saintes. Cette cité musicale souhaite investir le jardin qui est aujourd’hui un espace vide. L’objectif est de créer un lieu de vie permettant d’attirer de nouveaux publics. C’est également le cas pour la médiathèque Michel-Crépeau qui propose des activités multiples. Elle est devenue au fil des années un espace où cohabitent des publics de plus en plus variés. Les Montreurs d’Images à Agen a aussi la volonté d’attirer de nouveaux publics. C’est un cinéma indépendant dont la fonction première est la diffusion. Cependant, les gérants considèrent que le film est « un produit qui va amener l’individu dans le lieu pour consommer autre chose. » Ils ont par exemple organisé une soirée sur le thème du patrimoine irlandais où ils ont diffusé un film et proposé un concert.
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Dans ces structures, la diversification des activités proposées est un processus essentiel pour devenir un tiers-lieu. Elle favorise la venue de nouveaux publics qui cohabitent dans un même espace. Que les structures soient des tiers-lieux dès leur création ou qu’elles souhaitent le devenir, ce sont principalement les gestionnaires de ces espaces qui sont garants de la bonne cohabitation. Qu’est-ce qu’une bonne cohabitation ? Cela signifie que dans un même lieu, certains usagers ne nuisent pas à l’expérience des autres. Parfois, il peut y avoir des problèmes d’harmonie entre les différents publics ce qui peut impliquer un travail de médiation. Prenons l’exemple de Transfert à Nantes. Transfert est un projet mené par Pick-Up Production, une association œuvrant sur différentes formes d’expression liées au hip-hop sur la métropole nantaise.
Entre juillet et août 2018, l’association a ouvert le site de Transfert au public, un espace en transition sur les anciens abattoirs de Rezé, pour y proposer des activités très diverses : bar, restaurant, espace de ferronnerie, atelier d’imprimerie, sérigraphie, atelier de tatouages, réparation de vélos, chapiteau pour spectacles variés, jeux pour enfants, etc. L'association s'est installée à côté d’une aire d’accueil pour les gens du voyage qui ont participé aux activités du lieux. À Transfert, les boissons sont servies dans des gobelets consignés. Un usage imprévu de la consigne s’est développé au sein du lieu. Certains usager.ère.s dont une partie des gens du voyage ramassaient les gobelets vides parfois de manière abusive pour ensuite récupérer l’argent des consignes. Cela a soulevé des questionnements au sujet du vivre-ensemble et de la cohabitation entre les publics. C’est devenu un enjeu pour Pick-Up Productions de réussir à s’adapter et de permettre la bonne cohabitation. Plusieurs réunions ont été organisées pour trouver une solution ; un réel travail de médiation a été mené. Ils ont décidé de maintenir la possibilité de ramener les gobelets mais sur des créneaux horaires réduits. L’équipe a dû s’adapter aux réalités de chaque individu pour n’exclure aucun public et garantir une bonne cohabitation entre les usager.ère.s.
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Au-delà de la cohabitation : la rencontre La cohabitation est une condition préalable à la rencontre qui est un objectif partagé par la majorité des structures rencontrées tels que The Roof. The Roof est une maison de l’escalade à La Rochelle. C’est un espace de loisirs, de liberté et de création pour tous les publics. On peut y venir pour pratiquer l’escalade, se restaurer, se rencontrer et échanger autour d’activités culturelles. Lors de l’entretien, Mélanie Coyne, la responsable du lieu, nous a parlé de « la difficulté de faire se rencontrer des publics différents qui viennent pour des activités différentes ». On peut citer l’exemple de la Cartoucherie à Toulouse qui ouvrira en 2020. Situé dans une ancienne fabrique de cartouches, c’est un tiers-lieu qui sera consacré à la culture, au sport, à la gastronomie et où différents espaces de travail seront mis à disposition. Par la diversité des fonctions du lieu, il y aura inévitablement cohabitation entre différents publics. Cependant, le collectif Cosmopolis, responsable du lieu, veut aller plus loin. Il souhaite que les univers, les publics et les disciplines se mélangent. Les notions de décloisonnement, d’échange, de mutualisation et de complémentarité sont au cœur du projet. La Cartoucherie illustre très bien la volonté pour la majorité des tiers-lieux de faire se rencontrer les publics.