Etude & tiers-lieux
LES TIERS-LIEUX CULTURELS VICTIMES DE LEUR SUCCÈS : UN RÔLE IMPRÉVU DANS LE PROCESSUS DE GENTRIFICATION
Les tiers-lieux culturels, comme l’ensemble des lieux appartenant à l’industrie créative, ont la cote dans une société où le divertissement prend une place considérable. Par nature ouverts, les tiers-lieux sont des espaces aux multiples activités, espaces d’accueil de la communauté, où se créés des rituels de socialisation, autrefois présents à l’église ou au café par exemple. De fait, on y retrouve, initialement, une mixité sociale importante. Les tiers-lieux sont implantés et indissociables d’un territoire et portent des projets à forte dimension culturelle et sociale. Lieux d'expérimentation, on les retrouve dans des espaces de transition : territoires en déclin ou en transformation, lieux désaffectés, friches industrielles. Autour d’eux se créent des écosystèmes : « ils créent une activité économique et une consommation locale, qui donnent lieu à une croissance durable sur un territoire ».
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Ces lieux, projets, contribuent au développement des territoires et à leur attractivité, faisant déplacer des populations. L’arrivée des « classes créatives » (en disproportion des autres classes) en recherche de confort de vie, de biens et de services risque peu à peu d’altérer la mixité sociale. Malgré une volonté de mixité sociale affirmée de départ, les tiers-lieux culturels posent question quant à leur rôle dans le processus de gentrification, avec le risque de les éloigner des valeurs sociales et solidaires qui ont poussées à leur création. Dans son article « Les tiers-lieux culturels, outils de la gentrification malgré eux ? » publié en avril 2018 dans la revue Profession Spectacle, Cassandre Jolivet décrit les tiers-lieux culturels comme « des lieux attractifs et générateurs d’une mobilité qui n’a pas seulement des effets positifs. Ces espaces culturels nouveaux contribuent au développement des territoires du fait qu’ils attirent des personnes porteuses d’une valeur ajoutée : la « classe créative ».
C’est une idée théorisée par Richard Florida (sociologue américain), qui conseille aux villes de mettre en place un environnement favorable pour attirer ces personnes créatives, qui auraient le potentiel de dynamiser l’économie, à l’image par exemple des clusters culturels urbains. Souvent reprise mais aussi critiquée, cette thèse soulève une autre question, celle de la gentrification. Les espaces culturels intermédiaires installés dans des quartiers défavorisés, à l’abandon ou en transition dans une stratégie des politiques locales de les régénérer, ont parfois des répercussions non attendues. En effet, ils attirent bien une classe créative qui contribue à la création d’un nouveau dynamisme, mais au détriment des habitants d’origine. En apparence, le territoire se régénère ; mais en réalité la richesse est celle de la classe créative. Les personnes présentes initialement vont alors vers les banlieues. Le problème est plus déplacé qu’effacé, ce qui va à l’encontre des valeurs sociales et solidaires défendues par ces lieux. » “Selon Richard Florida, le secteur créatif comprend en fait quatre grandes catégories d’emplois qui forment l’acronyme « TAPE » ; elles correspondent au secteur Technologique, aux activités des Arts et de la culture, aux activités Professionnelles et managériales et aux activités d’Éducation. Le secteur créatif regroupe ainsi non seulement des individus du secteur artistique, que l’on identifie souvent au secteur créatif, mais aussi des individus travaillant dans les milieux de l’information et les sciences de la vie, dans le domaine informatique et mathématiques, mais aussi bien sûr dans d’autres domaines tels que l’architecture, le design, les arts et le divertissement.”
Pour certaines collectivités territoriales, la culture est au centre du projet d’aménagement. C’est le cas dans le projet de l’Île de Nantes impulsé par Jean- Marc Ayrault par exemple. En effet, l’Île de Nantes connaît aujourd’hui un développement spectaculaire, où des friches industrielles ont été réhabilitées pour accueillir des projets à vocation culturelle et/ou touristiques. On peut citer comme exemple l’aménagement du Quai des Antilles avec Le Hangar à Bananes, lieu festif composés de restaurants, bars, clubs et galerie d’art contemporain. Ou encore La Fabrique, pôle composé de Trempolino, structure d’accompagnement et de formation pour les Musiques actuelles et Stéréolux, salle de Musiques Actuelles. À ces projets s’ajoutent également l’implantation de l’École des Beaux Arts et l’École Nationale supérieure d’architecture qui augmentent l’attractivité de l’Île.